Chocs inappropriés pro-arythmogènes à l'étage auriculaire

Type de tracés: 
EGM
Prothèse: 
DAI
Constructeur: 
Biotronik

Désolée pour la qualité du tracé qui n'est pas exceptionnelle...

Il s'agit d'un patient de 77ans suivi pour une cardiopathie ischémique sévère revascularisée par stent IVA, 1ère diagonale, tronc commun et circonflèxe, appareillé d'un DAI-CRT BIOTRONIK (une sonde ventriculaire droite MEDTRONIC, et une sonde ventriculaire gauche ST JUDE MEDICAL) en prévention primaire sur une altération de la FEVG à 30%, un BBG complet, et des décompensations cardiaques itératives.

Le 11/10, vers 4h du matin, alors qu'il était réveillé depuis quelques minutes, il a pris plusieurs chocs (60taines) vigile, sans prodrome. Pas de notion de traumatisme récent, ni d'intervention chirurgicale.

Au contrôle de l'appareil on retrouve : des impédances stables : sonde OD à 347ohms, VD à 415 ohms, imp de choc à 51ohms, et VG à 510 ohms.

Au niveau des alarmes, on note un épisode en mai 2014 classé FV sans thérapie délivrée et dont les tracés sont inaccessibles, écrasés par le reste des alarmes récentes. Ensuite on retrouve donc depuis le 11/10 4h15 une 40taine d'épisodes classés FV avec chocs.

L'épisode suivant, n°41, a été enregistré à 7h58, avec un diagnostic posé de FV, et délivrance de 5 chocs à énergie maximum de 40J. 
Lorsqu'on analyse l'EGM on constate d'abord :

  1. Sur le canal auriculaire et le canal ventriculaire gauche :  une activité auriculaire spontannée suivie par une activité ventriculaire spontannée avec des RR à 460ms en moyenne, en rapport avec une tachycardie sinusale (probablement expliquée par les chocs répétés...)
  2. Sur le canal ventriculaire droit : surdétection de signaux surnuméraires sans relation fixe avec le cycle cardiaque, intermittents, polymorphes, avec des RR très courts non physiologiques, compatibles avec des potentiels de fracture de sonde. Ces signaux à couplage RR courts incrémentent alors le compteur de FV. L'appareil pose le diagnostic de FV, charge ses condensateurs et délivre un premier choc à 40J.

Ensuite :

  1. A l'étage auriculaire, on constate que ce choc entraine une arythmie irrégulière rapide, conduit à l'étage ventriculaire (cf canal VG) compatible avec de la fibrillation auriculaire. A noter que plusieurs signaux auriculaires tombent soit en période de blancking atrial post-ventriculaire (pas d'annotation et n'incrément pas le compteur des cycles atriaux), soit en période réfractaire atrial post-ventriculaire (Ars, incrémentent les compteurs). Le choc tombe en période vulnérable atriale ce qui déclenche la FA
  2. Concernant le canal VD, biensur on constate la persistance de la surdétection de signaux surnuméraires qui de nouveau incrémentent le compteur de FV. Le diagnostic de redétection de FV est posé et un nouveau choc à 40J est délivré.

Enfin :

  1. A l'étage auriculaire, ce nouveau choc permet de réduire l'arythmie avec un retour en rythme sinusal autour de 140bpm
  2. ... Tandis que sur le canal ventriculaire droit, la surdétection persiste et continue d'incrémenter les compteurs de TV1 et FV...

La radiographie thoracique n'objectivait pas de signes de fractures de sonde.

Au total : Chocs inappropriés sur surdétection de signaux surnuméraires classés en zone de FV, secondaires à une fracture de sonde VD, proarythmogènes à l'étage auriculaire avec déclenchement d'une FA, secondairement réduite par un second choc inapproprié. 

A noter que chez ce malade, la télécardiologie aurait surement pu permettre d'éviter ces chocs, puisque comme on le constate dans les mémoires, il y avait déjà deux épisodes enregistrés FV en mai 2014, probablement déjà sur de la surdétection...

Salut Barry, la qualité du tracé n'est pas exceptionnelle mais la qualité de l'analyse est brillante (premier compliment en 6 mois ...)

Le choc induit effectivement une arythmie atriale car 1) délivré en période vulnérable auriculaire 2) l'amplitude délivrée dans l'oreillette est inférieure à la valeur supérieure de vulnérabilité.

Il est à noter que sur les défibrillateurs Medtronic, il existe une protection pour ce genre de problème, le choc étant synchronisé sur le ventricule (comme pour toutes les compagnies) en essayant toutefois d'éviter la période vulnérable de l'oreillette (disponible uniquement sur les défibrillateurs double et triple chambre de cette marque, une détection auriculaire étant nécesaire).

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur l'efficacité de la télémédecine pour éviter la survenue de thérapies inappropriées sur dysfonction de sonde. Dans une immense majorité de cas, il existe avant la survenue d'épisodes prolongés entrainant une ou plusieurs thérapies, des épisodes courts de "FV" non soutenue qui peuvent (en fonction des marques toutefois) entrainer une alerte de télémédecine qui doit conduire à une prise en charge rapide. Les anomalies d'impédance arrivent souvent dans un second temps. Il  est essentiel d'éviter la survenue des thérapies inappropriées 1) pour la qualité de vie des patients, ce genre d'épisode (multitude de chocs) étant très mal supporté 2) pour éviter le possible caractère pro-arytmogène des thérapies inappropriées à l'étage atrial (embêtant) ou à l'étage ventriculaire (très embêtant surtout si la sonde est cassée avec un risque ensuite de thérapies inefficaces sur une vraie arythmie).

Super tracé. Je pense que le malade connait maintenant parfaitement la sensation corporelle du courant électrique...

Simple question: que faut-il faire?

Changement de sonde VD à programmer rapidement certes, mais le malade doit-il être hospitalisé en attendant, ou repart-il chez lui avec les thérapies "OFF" et un gros traitement anti-arythmique ? Ou d'autres mesures?

Merci beaucoup

Pas de réponse à ma question?

Dommage, l'attitude clinique est importante dans ce cas présent..

Quelqu'un a-t-il une opinion ou un avis sur l'attitude thérapeutique à avoir en ce qui concerne le délai d'intervention?

Merci beaucoup

Excusez moi pour cette réponse tardive,  

Bien évidemment, comme vous l'avez dit, dans un contexte de fracture de sonde ventriculaire avec ou sans chocs inappropriés, la première chose est d'inactiver les thérapies du DAI grâce au programmateur et d'en avertir le patient, sa famille et les soignants.

Ensuite il faut organiser le changement de la sonde ventriculaire défectueuse. Je pense que le délai de changement de la sonde doit surtout dépendre du risque rythmique ventriculaire et de la réception ou non de chocs inappropriés.

En ce sens, pour moi, un patient :

  • adressé pour chocs inappropriés,

  • et/ou qui a un risque rythmique élevé :

    • antécédents de troubles du rythme ventriculaire (TV / ESV-TVNS fréquentes, ou TVNS récentes),

    • antécédents de thérapies (burst/chocs) appropriés,

    • antécédents d'ablation de TV,

    • mort subite récupérée

    • antécédents de cardiopathie très sévère

doit être systématiquement hospitalisé avec une surveillance scopée, et programmé dès que possible pour l'intervention (généralement dans les 7 jours) en l'absence de problèmes intecurrents ( infectieux, instabilité hémodynamique sur sidération myocardique post-chocs inappropriés etc).

Par contre, un patient qui n'a pas reçu de chocs inappropriés et avec un risque de troubles du rythme faible peut, à mon sens, rentrer a domicile avec une surveillance télécardiologique dans l'idéal, une bonne information (pas de thérapies en cas d'arythmies graves, contacter SAMU palpitations, syncope, arrêt etc), un traitement anti-arythmique optimisé et une date d'intervention dans un délai de <3-4 semaines. La famille, et les soignants, notamment le médecin traitant doivent être également informés.

Après c'est simplement ce que je pense, et j'ai peu de recul sur ce sujet...