Algorithme Apneascan

Type de tracés: 
EGM
Prothèse: 
DAI
Constructeur: 
Boston Scientific

Patient de 65 ans, appareillé d’une DAI INCEPTA CRT-D de Boston Scientific depuis 2012, en prévention primaire d’une cardiomyopathie ischémique, FEVG= 30% et bloc de branche gauche.

Il se plaint d’une majoration de son asthénie depuis plusieurs mois, d’une somnolence diurne excessive.

Le fonctionnement de sa prothèse est parfait, aucune arythmie n’a été enregistrée, le taux de stimulation biventriculaire est >96%.

 

Que pensez vous des résultats de l’algorithme Apneascan?

Mathieu, est ce que tu peux nous décrire le fonctionnement de cet algorithme? (est ce que l'on écrit algorythme quand ça marche super bien????)

Peut être que Stéphane Garrigue, grand spécialiste de l'apnée, pourrait nous éclairer.  

ApneaScan est un algorithme Boston dont les caractéristiques n'ont pas été publiées en détails. rsUn article (case-report allemand de deux cas) a été publié cette année. Trois études cliniques au moins, à grande échelle sont en cours: études anglaise, autrichienne et américaine.

Je ne connais donc pas cet algorithme en détails. Simplement, je pense que la grande limitation de ces algorihtmes de détection d'apnées du sommeil est leur nature: ils sont basés sur la variation d'impédance entre le boitier et une électrode intra-cardiaque (oreillette ou ventricule ou les deux). Lorsque les poumons se remplissent d'air (donc à l'inspiration), l'impédance augmente (le courant électrique a une très faible conduction dans l'air, donc "la résistance" si l'on peut dire, augmente) alors qu'à l'expiration (les poumons se vident d'air), l'impédance diminue... Ainsi, le pacemaker peut recueillir une courbe corrélée à la ventilation-minute, et peut dans le même temps mesurer l'ampliation des variations entre l'inspiration et l'expiration, et finalement, détecter des apnées si cette ampliation est nulle ou très faible (seuil à définir...). Puis, vous comparez avec les résultats d'une polygraphie, et vous voyez quel seuil d'ampliation-pacemaker il faut choisir pour détecter les apnées vraies déterminées par la polygraphie. Au premier abord, cela parait simple.

Deux problèmes:

- Un patient avec des apnées obstructives et/ou présentant un surpoids "conséquent" présente souvent une respiration abdominale et non thoracique pendant son sommeil. Si l'on se base sur l'ampliation thoracique, on peut ne plus détecter de ventilation (faux épisode apnéique) ou détecter une baisse de plus de 30% de l'ampliation thoracique (correspondant à un faux épisode d' hypopnée) alors que le patient respire correctement... mais avec son ventre... Donc, il y a très souvent une surestimation des épisodes apnéiques et hypopnéiques.

- L'essentiel des troubles du sommeil, dans la majorité des cas, est dûe à la présence d'hypopnées (50 à 75% du pool total des épisodes apnée-hypopnée) chez le patient insuffisant cardiaque ou hypertendu, excepté chez les patients caractéristiques de Cheyne-Stokes mais ils ne représentent que 10 à 15% des patients insuffisants cardiaques au grand max.

DONC, les algorithmes de détection d'apnée du sommeil basés sur l'impédance thoracique surestiment beaucoup la maladie et sont donc très sensibles (et peu spécifiques). Ils sont utiles dans le premier tri; dans le cas présent, l'indice est entre 30 et 60/h, mon opinion est de vérifier par polygraphie si ces chiffres sont réels. Même s'ils ne le sont pas, il y a une très forte probabilité de syndrome apnéique chez ce patient mais pas aussi grave que le compteur ApneaScan le présage... Ce n'est pas le but: le véritable objectif est d'abord, d'alerter le médecin pour ne pas passer à côté de ce syndrome très sournois sur le plan symptomatique, et ensuite de contrôler si les nouvelles mesures thérapeutiques appliquées (changement de médicaments, aide respi nocturne ou autres...) sont efficaces (d'observer une baisse des évènements). Dans la grande majorité, un patient a un pourcentage de respiration abdominale stable pendant son sommeil, donc l'erreur de surestimation de départ des apnées et hypopnées ne change pas beaucoup au cours du temps, à moins d'un évènement médical majeur.  Dans le cas présenté, mission remplie: il faut faire une polygraphie, et probablement bingo! 

Ce n'est que mon avis, bien entendu. Les commentaires sont libres, c'est  l'avantage de ce forum.

Merci M Garrigue pour ces précisions et sur votre avis.

Sur le plan technique, cette mesure d’impédance thoracique est réalisée par le recueil entre l’électrode distale de la sonde et le boitier d’un signal électrique biphasique émis toutes les 50ms pendant 40 µSecs entre le coil distal (en cas de sonde de défibrillation) ou l’anode (d’une sonde de stimulation bipolaire ) et le boitier.

Comme l’a expliqué M Garrigue, l’appareil enregistre en continu les variations d’impédance thoracique, lorsque la valeur mesurée dépasse une valeur seuil minimale et maximale, il en est déduit un « cycle respiratoire , on extrapole une fréquence respiratoire. Il est également capable  d'évaluer la variation du volume courant

L’algorithme apneascan permet de mesurer et d’enregistrer pendant 1an les tendances respiratoires (variation de la fréquence respiratoire)  du patient mais aussi de détecter automatiquement des événements de type « hypopnée » et "apnée":

  • Hypopnée : lorsque les cycles respiratoires ont des volumes courants inférieurs à 74% du volume de base moyen pendant au moins 10 secondes
  • Apnée : lorsque l'intervalle entre deux cycles respiratoires dépasse 10 secondes

Normalement, l'IAH est <5, un SAOS est léger entre 5 et 15, modéré entre 15 et 30, et sévère au delà de 30

Dans le cas de notre patient, si l’IAH mesuré par l’appareil est fiable, il est probablement porteur d’un syndrome d’apnée du sommeil est sévère.

Mais qu’en est-il de la corrélation avec l'IAH mesurée par  polysomnographie?

Une étude sur 39 malades porteurs d’un SAOS a été publiée. Il en ressort un coefficient de  corrélation de l’ordre de 0,8, avec pour la détection d ‘un SAOS sévère (IAH>30) une sensibilité de 82% et une spécificité de 88% (données « constructeur »)

Feasibility of Automated Detection of Advanced Sleep Disordered Breathing Utilizing an Implantable Pacemaker Ventilation Sensor. Shalaby and al. Guidant, Saint Paul. REST I and II Clinical Studies (n = 39)

 

Nous lui avons donc fortement conseillé de réaliser une polysomnographie afin de confirmer ces données et envisager une prise en charge thérapeutique (mise en place d'une Pression Positive Continue, PPC; ou d'une prothèse d'avcée mandibulaire)

 

Pour compléter ce dossier, il faut rappeler q'un autre constructeur propose un algorithme (merci Pierre pour l'orthographe!) de dépistage des troubles obstructifs du sommeil, c'est SORIN, à partir de  la gamme Reply 200. 

Son algorithme se nomme SAM (pour Sleep Apnea Monitoring), fonctionne sur le même principe (capteur de ventilation minute par recueil entre une électrode et le boitier d'un signal émis entre une autre électrode et le boitier) et mesure un RDI (respiratory disturbances index). Le RDI correspond à un IAH mesuré par l'algorithme SAM.

Il a été testé dans l'essai DREAM sur 40 malades appareillés de PM. La mesure du RDI était bien corrélée à l'IAH mesurée par polysomnographie au cours d'une même nuit. Dans cette étude un RDI >20/h permettait de diagnostiquer un SAOS sévère  (IAH>30) avec une sensibilité et une valeur prédictive positive de 88,9% et une spécificité de 84,6%. 

A pacemaker transthoracic impedance sensor with an advanced algorithm to identify severe sleep apnea: the DREAM European study, Defaye and al, Heart Rythm 2014 May;11(5):842-8

 

Merci beaucoup pour ces précisions. Entrons alors davantage dans les détails.

L'article d'Alaa Shalaby fut publié en 2006, et déjà les résultats de sensibilité et spécificité étaient très bons, comme vous l'avez souligné. L'article allemand très récemment publié ne porte que sur deux cas certes, mais analyse les algorithmes de Boston améliorés depuis 2006, surtout concernant les filtres de façon à détecter les pertes de signal et/ou les faux signaux. Cependant, si l'on considère les patients sévèrement atteints, le capteur est très performant, en tous cas à mes yeux. Pour ce qui est des IAH entre 15 et 30, c'est plus délicat; cela est valable aussi pour Sorin, et à chaque fois que l'on considère l'impédance thoracique. Les corrélations publiées sont très convaincantes et nous poussent tous à utiliser ces algorithmes très utiles, mais ces corrélations n'ont pas été faites patient par patient mais en rassemblant la somme de tous les enregistrements: si l'on considère les chiffres patient par patient, il existe une fraction non négligeable de patients mal classés par le capteur.

Ces capteurs ne sont pas parfaits mais je partage votre avis: c'est la meilleure arme de dépistage implanté que nous avons aujurd'hui, ce pourquoi ils sont précieux.