Resynchronisation et programmation à l'effort

Généralités

Chez un patient resynchronisé, les objectifs principaux d’une programmation différentiée à l’effort sont de maintenir une capture biventriculaire permanente et effective pour des fréquences cardiaques élevées, d’assurer une bonne contribution de la systole atriale au débit cardiaque avec maintien du synchronisme atrio-ventriculaire et de permettre une accélération adaptée de la fréquence cardiaque qui constitue l’élément fondamental de l’adaptation du débit cardiaque à l’effort particulièrement chez les patients insuffisants cardiaques.

La vérification du maintien d’une stimulation et d’une capture biventriculaire permanente à l’effort doit faire partie du bilan standard d’un patient resynchronisé. La mise en évidence dans les mémoires d’épisodes de détection ventriculaire lorsqu’ils surviennent lors de fréquences sinusales élevées doit faire suspecter une perte de stimulation à l’effort. Il existe différentes causes pouvant entrainer une disparition de la stimulation biventriculaire à l’effort : défaut de détection atriale, fréquentes extrasystoles ventriculaires, arythmies soutenues auriculaires ou ventriculaires, espace PR à l’effort plus court que le délai AV programmé, fréquence maximale synchrone programmée trop basse par rapport aux capacités du patient. Chez un patient en fibrillation auriculaire permanente sans ablation du faisceau de His, la présence d’une capture effective au repos ne garantit pas la présence d’une capture à l’effort où il existe une compétition entre l’amélioration de la conduction auriculo-ventriculaire intrinsèque et l’accélération du rythme dictée par le capteur d’asservissement.

Différents types d’épreuve d’effort peuvent être réalisés chez un patient resynchronisé, l’idéal étant d’avoir un enregistrement simultané de l’électrocardiogramme et des électrogrammes endocavitaires à l’aide du programmateur pour pouvoir détecter un éventuel dysfonctionnement et le corriger en temps réel. Cette analyse des marqueurs en temps-réel durant l’effort a été facilitée par le développement de la technologie de télémétrie par radiofréquence.

  • Epreuves d’effort traditionnelles : elles permettent d’évaluer le comportement général du dispositif et du capteur à l’effort. Il semble que l’adaptation de fréquence cardiaque à l’effort soit plus harmonieuse et plus proche de celle observée dans la vraie vie lors d’une épreuve sur tapis que sur vélo. En effet, le vélo mobilise des masses musculaires des membres inférieurs éloignées du site d’implantation du boitier ; la mise en route du capteur (s’il s'agit d'un accéléromètre) est plus tardive. A charge égale, l’accélération de fréquence est plus importante sur tapis roulant que sur vélo pour ce type de capteur.
  • Tests standardisés de la vie courante : un nombre important de patients resynchronisés sont relativement âgés avec une capacité limitée aux efforts de la vie courante (marche, toilette, cuisine, ménage…) Chez ces patients, il est essentiel d’assurer un bon fonctionnement pour ces efforts de la vie quotidienne. Le type d’épreuve d’effort doit donc être adapté à ces spécificités. Différents types d’exercice sous surveillance électrocardiographique peuvent être réalisés : marche sur terrain plat, montée d’escaliers, flexion des membres inférieurs …

STIMULATION ASSERVIE

Certains patients présentent une insuffisance chronotrope avec une fréquence cardiaque qui ne s’adapte pas aux changements de leur activité physique. Cette incapacité d'augmenter leur fréquence cardiaque à l'effort peut être associée avec la survenue d’une symptomatologie type essoufflement, fatigue ou réduction de la capacité d'effort. Chez les patients resynchronisés présentant une insuffisance chronotrope définie par l’incapacité à atteindre 85% de la fréquence cardiaque maximale théorique, la programmation de l'asservissement a pour objectif d’assurer une augmentation du débit cardiaque la plus physiologique possible correspondant au niveau de besoins métaboliques imposés par l’effort en cours. La programmation de l’asservissement doit être systématique en présence d’une insuffisance chronotrope sévère (incapacité à atteindre 70% de la fréquence cardiaque maximale théorique).

Les spécificités du fonctionnement des différents constructeurs en termes de capteur d’asservissement ont été détaillées dans le livre portant sur la stimulation cardiaque.

FREQUENCE MAXIMALE SYNCHRONE

Le fonctionnement du dispositif quand la fréquence cardiaque d’effort dépasse la fréquence cardiaque synchrone dépend de la qualité de la conduction auriculo-ventriculaire.

Chez un patient resynchronisé en BAV complet et fonction chronotrope préservée, lorsque la fréquence sinusale s’accélère et dépasse la fréquence maximale synchrone programmée, une stimulation ventriculaire en fin de délai AV programmé serait associée à un dépassement de la fréquence maximale programmée ce qui est impossible. La cadence ventriculaire ne peut plus suivre la fréquence atriale sur un mode 1/1 et plafonne autour de cette valeur. Pour ne pas transgresser cette limite, le dispositif allonge le délai AV. Un fonctionnement en mode Wenckebach du dispositif se produit. À mesure que la fréquence sinusale augmente au-delà de la fréquence maximale synchrone, la fréquence de stimulation ventriculaire reste à la fréquence maximale synchrone et le délai AV détecté observé rallonge à chaque cycle de stimulation. Après plusieurs cycles de stimulation, un événement atrial détecté survient au cours de la PRAPV et n’est pas synchronisé, résultant en un battement déficitaire. L'onde P qui suit tombe en dehors de toute période réfractaire et initie de nouveau un délai AV programmé. Ce schéma se reproduit aussi longtemps que la fréquence sinusale reste supérieure à la fréquence maximale synchrone programmée. Le battement déficitaire se produit moins souvent lorsque la fréquence sinusale n’est que très légèrement supérieure à la fréquence maximale synchrone et plus souvent lorsque la fréquence sinusale dépasse largement la fréquence maximale synchrone. Dès que la fréquence sinusale redescend sous la fréquence maximale, l’association AV 1 :1 est rétablie. Le comportement Wenckebach peut se définir par la fréquence à laquelle le battement déficitaire survient et par le rapport événements atriaux détectés-événements ventriculaires stimulés (par exemple, 8:7, 7:6, 6:5 ou 3:2). Si l’augmentation de la fréquence atteint le point de 2 :1, une chute importante de fréquence intervient avec rapport oreillette/ventricule en 2 :1.

Chez un patient resynchronisé avec bonne fonction chronotrope et conduction AV préservée, lorsque la fréquence sinusale s’accélère et dépasse la fréquence maximale synchrone programmée, le délai AV s’allonge progressivement favorisant l’apparition d’une fusion avec le ventricule spontané dans un premier temps puis l’interruption de la stimulation biventriculaire qui est inhibée par la détection ventriculaire. Quatre éléments caractérisent ce fonctionnement :

  • les intervalles entre 2 VS sont plus courts que ceux correspondant à la fréquence maximale synchrone
  • pour un cycle donné, l’espace PR (AS-VS) est plus court que l’intervalle théorique AS-VP
  • il n’y a pas d’onde P sous-détectée ou d’onde P dans la PRAPV comme dans le fonctionnement Wenckebach typique chez un patient en bloc auriculo-ventriculaire
  • la stimulation biventriculaire ne reprend que quand la fréquence atriale passe en dessous de la fréquence maximale synchrone

Il paraît donc logique de programmer une fréquence maximale synchrone élevée pour éviter le phénomène de Wenckebach ou la perte de stimulation biventriculaire. En effet, pour limiter une augmentation importante de fréquence à l’effort, il ne paraît pas licite de limiter la programmation de la fréquence maximale synchrone mais plutôt de privilégier l’optimisation du traitement médicamenteux par un traitement ralentisseur. La programmation d’une fréquence maximale synchrone trop basse chez un patient coronarien n’a probablement pas de vertu protective mais au contraire à travers soit une perte de capture biventriculaire soit la survenue d’ondes P bloquées intermittentes peut favoriser et précipiter la survenue de symptômes invalidants en augmentant la consommation d’oxygène myocardique et en induisant une chute de débit cardiaque.

OPTIMISATION DU DELAI AV A L'EFFORT

Il est possible de régler différemment le délai AV au repos à l’effort. Ce réglage différentié peut avoir 3 objectifs :

  1. optimisation hémodynamique avec recherche du délai AV d’effort permettant une capacité d’effort maximale
  2. maintien de la stimulation biventriculaire à l‘effort (délai AV programmé plus court que le PR)
  3. maintien d’un suivi atrio-ventriculaire 1/1 pour des fréquences sinusales élevées (éviter la survenue du point de 2/1).

Les impératifs diffèrent en fonction de la qualité de la conduction atrio-ventriculaire. Chez un patient en bloc auriculo-ventriculaire complet permanent, il n’y a pas de risque de reprise de la conduction atrio-ventriculaire à l’effort et donc de perte de la stimulation biventriculaire. En revanche, le délai AV doit être programmé court à l’effort pour permettre un suivi 1/1 de l’activité atriale (chute brutale de la fréquence cardiaque lors de la survenue du point de 2/1). Chez un patient avec conduction atrio-ventriculaire préservée, il n’y a pas de risque de chute de fréquence à la suite de la survenue du point de 2/1. En revanche, l’accélération de la conduction atrio-ventriculaire intrinsèque peut favoriser la perte de capture biventriculaire.

L’optimisation du délai AV à visée hémodynamique est difficile au repos ; elle l’est encore plus à l’effort. Il n’existe pas aujourd’hui de technique de référence permettant cette optimisation et les résultats dans la littérature sont contrastés et discordants. Chez un patient avec cœur sain et trouble de conduction, l’effet positif d’un raccourcissement du délai AV à l’effort a clairement été démontré. Différentes études ont analysé la dynamique du délai AV optimal chez des patients resynchronisés avec des résultats parfois différents conduisant à des recommandations opposées : en fonction des patients et des études, le délai AV optimal pouvait être plus court, identique mais parfois aussi plus long à l’effort qu’au repos. En considérant les caractéristiques physiologiques du nœud atrio-venriculaire chez des patients sains, ces résultats disparates sont inattendus. Certaines limites méthodologiques pourraient avoir contribué à ces résultats discordants. Toutefois, les patients insuffisants cardiaques avec bloc de branche gauche représentant un groupe hétérogène, ce qui pourrait mener à un impact variable de l’effort sur les temps de conduction intra-atriale, atrio-ventriculaire ou intra-ventriculaire. Chez les patients avec cardiopathie ischémique particulièrement, les conséquences induites par l’exercice en termes de fréquence cardiaque, de conditions de charge et d’activation neuro-végétative pourraient avoir un effet variable d’un patient à l’autre sur le fonctionnement du tissu conductif et du tissu contractile.

Il paraît donc difficile d’établir une recommandation ferme et définitive pour l’optimisation hémodynamique du réglage de ce paramètre à l’effort. Il parait peu concevable en termes de faisabilité d’envisager une optimisation dynamique individualisée basée sur l’échographie ou une autre technique invasive ou non invasive. L’optimisation automatique au repos comme à l’effort du délai AV par le dispositif pourrait constituer la solution mais nécessite l’élaboration d’algorithmes spécifiques et surtout leur validation avec la démonstration du bénéfice clinique apporté en termes de réponse et/ou de capacité d’effort. Il est à noter que l'algorithme d'optimisation des dispositifs Microport CRM-Sorin (détails dans le chapitre dédié) inclut une optimisation spécifique à l'effort du délai AV.

En pratique, quelles sont les possibilités avec les prothèses actuelles ? Le premier point est qu’il n’est pas possible de programmer un délai AV plus long à l’effort qu’au repos sur la plupart des dispositifs (exception pour les défibrillateurs Biotronik). Deux options sont le plus souvent possibles : le maintien d’un délai AV (détecté ou stimulé) fixe entre le repos et l’effort ou la programmation d’un délai AV adaptable qui permet un raccourcissement linéaire avec l’augmentation de la fréquence cardiaque. Même si la démonstration de l’intérêt hémodynamique d’un raccourcissement du délai AV à l’effort est controversée et reste à faire chez les patients resynchronisés, le réglage d’un délai AV adaptable présente certains avantages et est souvent proposé en pratique clinique : chez les patients non dépendants qui présentent un raccourcissement de l’espace PR à l’effort, le délai AV adaptable permet de maintenir une stimulation biventriculaire à l’effort en évitant que l’espace PR devienne plus court que le délai AV ; chez les patients dépendants, la programmation d'un délai AV adaptable et d'une PRAPV moins longue à l'effort permet de repousser la survenue du point de 2/1 au delà des capacités maximales du patient. 

SENSIBILITE ATRIALE

Un suivi atrio-ventriculaire 1/1 à l'effort nécessite une qualité parfaite de la détection de l'activité atriale. L'effort et l'augmentation des mouvements respiratoires sont souvent associés avec une altération de la détection atriale. Cela peut conduire à un aspect parfois proche d’un bloc 2/1. Les marqueurs permettent de faire le diagnostic avec absence de signaux répétitifs AR (bloc 2/1) et absence de détection du signal (pas de marqueur). Il est donc nécessaire chez ces patients d'augmenter la marge par rapport au seuil de détection mesuré au repos.

EXTRASYSTOLE VENTRICULAIRE CHEZ UN PATIENT AVEC PR LONG

Lors d’un effort avec accélération de la fréquence sinusale, la survenue d’une ESV chez un patient avec PR long peut entrainer la perte prolongée de la stimulation biventriculaire. En effet, l’onde P qui suit l’ESV peut tomber dans la PRAPV qui est rallongée à 400 ms (marqueur AR) ; aucun délai AV n’est donc déclenché ce qui empêche la stimulation biventriculaire ; le ventricule spontané qui suit est également considéré comme une ESV avec allongement de la PRAPV ; plus le PR est long et plus la fréquence atriale est rapide, plus importantes sont les chances d’entretien de ce phénomène (succession de cycles AR-VS). Il existe un certain nombre d'algorithmes spécifiques pour rétablir la stimulation biventriculaire (voir chapitre programmation paramètres standards).